Innovations managériales dans l’aide et le soin à domicile
L'UNA a lancé un projet national pour accompagner les structures du secteur associatif, convaincue que l’évolution des pratiques managériales est aujourd'hui un levier essentiel pour redonner du sens aux métiers et améliorer les conditions de travail.
Source : www.una.fr
Alors que les besoins d’aide, d’accompagnement et de soins à domicile augmentent en France, les structures peinent à y répondre du fait de fortes tensions en recrutement. Les causes du manque d’attractivité des métiers du domicile relèvent de plusieurs facteurs.
La rémunération n’est pas le seul élément susceptible de faire bouger les lignes : faire évoluer ses pratiques managériales est un questionnement dont aucune structure du secteur ne peut faire l'économie.
C’est pourquoi, sous l’impulsion de sa présidence, l’UNA a lancé en janvier 2022 un projet national pour encourager les structures de son réseau à se transformer.
L'objectif affiché du projet est d’impulser des innovations managériales reposant sur un triptyque vertueux :
- la recherche d’une meilleure qualité de vie au travail,
- l'amélioration de la qualité de service
- le gain de performance des structures.
Créée en 1970, l’Union Nationale de l’Aide, des Soins et des Services aux Domiciles (UNA) est une fédération à but non lucratif.
UNA est un mouvement associatif militant, un syndicat d’employeurs et un réseau d’associations, mutuelles, fondations, services publics territoriaux (CCAS/CIAS) qui intervient auprès de 520 000 personnes fragiles.
La fédération représente plus de 630 structures adhérentes, employant 76 860 salariés.
Les activités concernent l’aide et/ou de soins à domicile (SAAD, SSIAD, SPASAD), des centres de soins infirmiers, des services d’accompagnement des familles, des structures d’accueil et de garde d’enfants à domicile, des services à la personne.
Une première phase d’expérimentation
La première étape du projet, conduite au premier semestre 2022, portait sur la réalisation d’un état des lieux des pratiques managériales innovantes au sein du réseau UNA.
D’une part, il consiste dans le recensement des initiatives à partir d’une étude terrain : genèse et description des projets de transformation, recueil des conditions favorables, analyse de l’outillage, des processus et du pilotage de projet, impacts observés, etc.
Pour ce faire, l’investigation a été conduite auprès d’un panel de 16 structures du réseau UNA. La méthodologie s’est voulue empirique et double : une étude documentaire à partir des documents/outils des structures, et la conduite d’entretiens individuels et/ou collectifs auprès de représentants de l’ensemble des acteurs de la structure (intervenants, manageurs, direction, IRP, etc.).
Les travaux menés ont été conclus par la rédaction d’un rapport final, de la présente synthèse, et des 16 monographies détaillées. Il s’agissait en outre d’analyser les « modèles », pour aboutir à l’identification des déterminants communs et des voies de transformation possibles.
Déroulement de l’étude
L’étape 1 d’état des lieux des innovations managériales et de capitalisation des initiatives a été conduite au premier semestre 2022 avec le soutien financier de la Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA).
Dans un premier temps, elle a consisté dans le recensement des initiatives innovantes à partir d’une étude de terrain : genèse et description des projets de transformation, recueil des conditions favorables, analyse des processus et du pilotage de projet, impacts observés, etc.
Dans un second temps, ces initiatives innovantes ont été analysées pour aboutir d’une part, à l’identification de 29 "déterminants" à la transformation, et d’autre part, à une synthèse dégageant les voies de transformation empruntées par les structures du panel.
Les résultats de l’étude sont regroupés dans un rapport final, complété par une analyse croisée des projets et des pistes à suivre pour répondre aux besoins d’accompagnement du réseau UNA.
Principales observations issues des 16 innovations
- Les organisations du travail dans le secteur de l’accompagnement et de l’aide à domicile sont à "bout de souffle" et les dirigeants élus ou salariés se disent clairement "au bout du système".
Des transformations fondamentales s’imposent pour rendre le secteur plus attractif, fidéliser les salariés et améliorer la qualité du service rendu aux bénéficiaires.
- Des expériences de transformation qui concernent en priorité les aides à domicile (proportion ultra majoritaire des salariés) avec deux fondements majeurs :
La mise en œuvre du principe de subsidiarité et l’extension du pouvoir d’agir, pour élargir les responsabilités et développer l’autonomie autour des questions d’organisation du travail et des activités et services rendus aux bénéficiaires
La mise en place d’équipes d’intervenants et/ou de collectifs de travail
(12 structures du panel qui totalisent plus 200 équipes)
- Les structures du panel ont engagé leurs initiatives dans une logique progressive de transformation. On observe ainsi une grande diversité d’approches dans un contexte économique contraint, avec des initiatives qui visent à "faire collectif".
On observe un écart flagrant entre les Service d’aide et d’accompagnement au domicile (SAAD) et les autres structures du secteur médico-social : le temps d’échange et de coordination entre les professionnels de terrain évident chez ces dernières, doit également le devenir dans les SAAD, afin notamment d’améliorer :
- La qualité du service rendu aux bénéficiaires
- L’attractivité des métiers : intérêt d’une vision globale du travail, sens au travail, la fierté du travail mieux fait, la reconnaissance, l’entraide et le soutien collectif, etc.)
- La santé au travail des salariés : sortir de l’isolement et améliorer les conditions de travail
C’est également à cette même conclusion qu’aboutit le récent rapport de la DARES intitulé « Relations au travail et travail relationnel – Situation des travailleurs peu et non qualifiés »
- Les transformations sont généralement impulsées par les équipes de direction, en lien avec la gouvernance et les instances représentatives du personnel, et soutenues par les acteurs concernés et impliqués, dès lors que la finalité et les modalités en sont comprises.
Trois catégories d’acteurs peuvent être vus comme des accélérateurs de la transformation : la gouvernance, les IRP et les partenaires institutionnels (financeurs ou prescripteurs).
- Importance d’un diagnostic partagé
- L’observation sur le terrain montre toute l’importance d’un diagnostic préalable et partagé avec des salariés de différentes catégories :
- Parce qu’il faut repartir des constats et idées du terrain pour construire le projet.
- Même si l’on peut préjuger du bénéfice des initiatives proposées, il faut partir du ressenti des salariés sur les conditions de travail, la qualité du service et l’efficacité globale de la structure pour une appropriation du projet
- Pour faire le lien entre les initiatives proposées et les difficultés que les salariés rencontrent, avec un véritable travail de pédagogie pour installer la confiance et permettre à chacun de s’exprimer
Les initiatives concernent également, outre les intervenants de terrain et le management, d’autres niveaux de l’organisation, tels que l’encadrement intermédiaire et les services supports. Ainsi, des évolutions de posture deviennent nécessaires (empathie et bienveillance, intelligence collective, etc.)
Conditions de réussite de la transformation
L’aboutissement des projets passe par un engagement de tous les acteurs, avec la visée d’un fonctionnement plus circulaire, plus horizontal.
Quelle que soit l’innovation choisie, elle s’appuie sur un fonctionnement plus participatif et coopératif, sur des collectifs de travail et la coordination des activités.
Pour faire vivre les collectifs de travail, les structures identifient un temps et un rythme adaptés à leurs moyens et aux besoins des équipes. Ces temps de rencontres (d’une heure à deux heures et demie) suffisamment régulières (d’une à quatre fois par mois) sont nécessaires pour favoriser la cohésion collective, créer et maintenir la dynamique du changement pour amener la transformation à son terme.
Cette évolution pose la question de la reconnaissance des temps de la coordination du travail, comme un temps indispensable et effectif du travail, avec une prise en charge à faire reconnaître par les financeurs.
Les observations précédentes ont permis de formaliser 29 déterminants, qui peuvent être entendus comme les "ingrédients" de la transformation, afin d’analyser chaque initiative.
Voies de transformation
Les projets des seize structures ont été regroupées autour de six "voies de transformation" :
Voie 1 : Optimisation ou l’ajustement du process de travail
L’innovation se fonde sur des démarches qui visent à réduire les temps sans valeur ajoutée, les causes de non-qualité, les complexités, etc.
Il s’agit souvent d’une succession de projets ciblés, en lien avec l’observation de dysfonctionnements ou d’irritants.
Voie 2 : Modification du process de travail avec la création d’un nouveau service ou une d’une nouvelle fonction
L’innovation s’incarne à travers de nouvelles fonctions dans le but de résoudre une problématique donnée. Ces nouvelles fonctions ou services peuvent emprunter de multiples formes : intervenant à domicile ou responsable de secteur "volant", chargé de la qualité, tuteur, coordinateur de parcours, coordinateur du domicile, coordinateur de proximité, ergothérapeute, psychologue, etc.
Voie 3 : Institution de collectifs pour constituer des groupes d’échanges internes
L’innovation fait ici, le pari du débat et de l’échange entre les salariés pour identifier des pistes d’amélioration de toutes natures. Par exemple en recourant aux "espaces de discussion sur le travail" ou encore à des démarches de promotion de la qualité de vie au travail.
Voie 4 : Multi-actions
L’innovation se caractérise dans ce cas, par la volonté de combiner les voies 1, 2 et 3.
Voie 5 : Institution de collectifs pour constituer des équipes de travail
L’innovation est marquée par un changement de paradigme fort, puisque la structure "institutionnalise" un fonctionnement en collectifs de travail composés soit exclusivement d’intervenants, soit mixtes avec des managers intermédiaires. Ces collectifs se donnent l’ambition de constituer de véritables équipes de travail dotées d’une autonomie et d’un pourvoir d’action élargis.
Les structures qui ont choisi cette voie, font généralement référence à l’entreprise "apprenante" "agile" et "responsabilisante".
Voie 6 : Transformation généralisée
L’innovation peut être dépeinte dans le cas présent, comme combinant un large mix composé des voies 1, 2, 3 et 5.
L’architecture de l’organisation se transforme avec des niveaux hiérarchiques et des postures managériales qui évoluent fondamentalement. Les initiateurs de ces projets se réclament volontiers de la référence à l’entreprise "libérée".
Deuxième phase du projet de transformation
Après cette première étape de monographie, UNA engage désormais la phase d’ingénierie du projet avec le soutien de l’ANACT. Pour cette deuxième phase opérationnelle, avec le développement d’outils d’accompagnement adaptés aux spécificités des métiers et des structures UNA.
Dès le début de l'année 2023, les premières expérimentations d’accompagnement seront menées auprès de structures UNA afin de tester les outils développés en conditions réelles. En parallèle, la fédération mobilisera ses unions régionales et territoriales pour recenser les besoins des différentes structures du réseau.
Téléchargez la synthèse de l’étape 1 du projet UNA sur les Innovations managériales
Contacts presse :
UNA : Chantal THORIGNY – Tél. : 07 88 15 11 56 – c.thorigny@una.fr
Quentin VALANCON - Tél. : 06 69 17 14 96